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Sur les différents sens de dessous

On a commencé à travailler sur de la lingerie.
Je voulais découper le moins possible le tissu, favoriser l’assemblage par nœuds, et privilégier des morceaux de petites tailles qui soient dissimulables et discrets.
Je voulais que ces objets soient prêtés pour être utilisés par différentes personnes et qu’ils soient portés plusieurs jours de suite pour que se mettent en place des habitudes.
Le texte de gauche est l’histoire de trois femmes portant ces sous-vêtements faits d’un morceau de tissu, celui de droite une description détaillée de ces vêtements.
Une première femme entre, choisit un morceau de tissu, et l’utilise comme un doudou. Plusieurs jours de suite, elle le porte, parfois accroché à ses lunettes, à son poignet, à sa cheville, autour de sa tête comme un fichu et à sa culotte quand elle va dormir. Elle ne le quitte jamais, y compris lorsqu’elle fait sa toilette. Le morceau de tissu est en mousseline de soie, couleur chaire. Au bout d’une semaine elle le ramène et le repose dans la boîte ou elle l’avait pris. Il a fini par prendre un aspect fortement plissé, comme ces tissus japonais lustrés en forme pour prendre un certain relief.

Quelque semaines plus tard, une seconde femme entre et choisit un autre morceau de tissu. Elle le trifouille de la main droite, le frotte sur son ongle et le met dans son sac à main. Sur cette pièce de tissu il y a inscrit en italique Celle là, c’est la bonne. Les deux jours suivant il reste au fond de son sac. Le troisième jour elle le coud au t-shirt avec lequel elle dort. Elle le frotte contre son nez en regardant un film et va se coucher. Elle porte le t-shirt quatre nuits de suite et le met dans la panier à linge sale. Elle ne ramène pas le morceau de tissu.

Une troisième femme entre et choisit deux morceaux de tissu. Elle les passe dans la machine à laver et les met dans son soutien gorge, sous sa poitrine avec un petit peu de parfum. La sueur et les frottements du corps dissipent dans l’air le parfum. Elle reproduit l’opération onze jours durant. Elle revient et les repose où elle les a pris.

On a entre les mains une série de petits objets, dont la surface, une fois dépliée, entre dans un format A4 (a). Ces objets sont composés d’un seul morceau de tissu et parfois agrémentés d’un ou plusieurs fils, d’un ruban, de nœuds et de pièces de bois autour desquelles ce tissu vient s’enrouler (b).
Parfois les rubans sont cousus à la main à intervalles assez larges pour être décousus facilement (c). D’autres fois, l’armure du tissu est déformée pour laisser passer le ruban entre les fils. Dans l’idéal ce trou dans l’entrelacement des fils se fait sans qu’aucun fil ne cède. Si l’armure est trop dense pour passer le ruban, il est possible qu’un ou deux fils cassent, par accident ou pour faciliter l’insertion (d).
Dans le cas des fils, ils sont greffés discrètement à l’armure, enchevêtrés dans l’entrelacs de fils du morceau de tissu ; comme si l’on ajoutait par superposition un fil de trame ou un fil de chaîne, parallèle ou perpendiculaire selon le point de vue, pour se fondre dans la géométrie de l’ensemble. Pour faciliter le placement du fil, on fait ça majoritairement sur des armures extrêmement simples, type toile. Et pour faciliter sa disparition ou au moins privilégier sa discrétion on utilise une couleur de fil proche de celles du morceau de tissu (e).
Les nœuds en eux mêmes ne font l’objet d’aucune attention particulière. Il sont utilisés pour accrocher le morceau de tissu à quelque chose ou pour créer du relief à la planéité du tissu.
N’intervenir que succinctement sur la matérialité de l’objet est une tentative, entre autre, pour conduire l’attention vers le tissu, sa texture, sa densité, son armure, son opacité, sa résistance.
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