Oscar Roméo SB
Run 1
Notes pour une ethnostylistique du skateboard
(Arsène Caens)
Ces notes ont été écrites suite à la toute première session que nous avons faite ensemble, Oscar Roméo et moi, sur le spot du Dôme au Palais de Tokyo, à Paris. Elles ont été rédigées selon une logique fragmentaire, posant pas à pas les éléments de ce qui se dessine ici sous la forme d’une «ethnostylistique du skateboard».
La définition de ce projet à la fois scientifique, littéraire, philosophique et artistique, se formule dans ce qui suit à travers une succession de figures argumentatives par lesquelles j’entends initier une jonction entre la pratique du skateboard et l’activité critique dans le champ de la création intellectuelle. Les figures se succèdent comme les étapes, ici très nettement dissociées, de la construction d’un discours auto-analytique s’écartant de toute stabilisation autour d’un seul système argumentatif ou rhétorique. On favorisera de cette façon la multiplicité des entrées de lecture, ainsi qu’une certaine porosité entre les thématiques, niveaux de langage et formes d’énonciation.
La définition de ce projet à la fois scientifique, littéraire, philosophique et artistique, se formule dans ce qui suit à travers une succession de figures argumentatives par lesquelles j’entends initier une jonction entre la pratique du skateboard et l’activité critique dans le champ de la création intellectuelle. Les figures se succèdent comme les étapes, ici très nettement dissociées, de la construction d’un discours auto-analytique s’écartant de toute stabilisation autour d’un seul système argumentatif ou rhétorique. On favorisera de cette façon la multiplicité des entrées de lecture, ainsi qu’une certaine porosité entre les thématiques, niveaux de langage et formes d’énonciation.
Run 1
— statement —
De toutes les figures du skate street, le flip back est l’un des tricks les plus révélateurs du style d’un street skateur, toute catégorie confondue.
a.
— figure d’introduction —
Pour assuré qu’il apparaisse par ces premiers mots, je reconnais que le jugement ainsi formulé relève dans un premier temps d’une appréciation tout-à-fait personnelle.
Je tiens à le signifier d’abord clairement du côté des néophytes de tous bords que j’imagine pour certains échoués sur l’écueil de ces lignes déjà nourries de quelques termes un brin abscons ; tandis que, du côté des praticiens skateurs entrés depuis longtemps en religion, je n’envisage pas qu’on me le concède sans l’avoir auparavant vertement taxé d’arbitraire. Les uns et les autres, néanmoins, trouveront dans les lignes qui suivent quelques rudiments d’éclaircissements pour une assertion que, à terme et ne serait-ce qu’en partie, ils n’auront pas trop de mal à m’adjuger.
Et cela même, préciserais-je, sans qu’il soit pour moi nécessaire d’en passer par l’argument propre à justifier toutes les opinions en la matière : celui du tout arbitraire de pratique skateboardistique même. Un argument aux implications néanmoins passionnantes en lequel je crois qu’on trouverait matière à quantité de comparaisons avec les activités humaines et sociales les plus diverses et nombreuses (devrais-je dire toutes ?), de celles en tout cas qu’il nous soit donné d’aborder comme ici sous l’angle de la théorie critique radicale.
Je tiens à le signifier d’abord clairement du côté des néophytes de tous bords que j’imagine pour certains échoués sur l’écueil de ces lignes déjà nourries de quelques termes un brin abscons ; tandis que, du côté des praticiens skateurs entrés depuis longtemps en religion, je n’envisage pas qu’on me le concède sans l’avoir auparavant vertement taxé d’arbitraire. Les uns et les autres, néanmoins, trouveront dans les lignes qui suivent quelques rudiments d’éclaircissements pour une assertion que, à terme et ne serait-ce qu’en partie, ils n’auront pas trop de mal à m’adjuger.
Et cela même, préciserais-je, sans qu’il soit pour moi nécessaire d’en passer par l’argument propre à justifier toutes les opinions en la matière : celui du tout arbitraire de pratique skateboardistique même. Un argument aux implications néanmoins passionnantes en lequel je crois qu’on trouverait matière à quantité de comparaisons avec les activités humaines et sociales les plus diverses et nombreuses (devrais-je dire toutes ?), de celles en tout cas qu’il nous soit donné d’aborder comme ici sous l’angle de la théorie critique radicale.
b.
— figure terminologique —
« To trick », en anglais, se traduit littéralement en langue française du skateboard par « faire une figure ». C’est par cette expressions que l’on désigne l’ensemble des phénomènes ou événements intentionnellement provoqués par les skateurs au moyen de leur planche, constituant ainsi le contenu même de la pratique du skateboard.
Il faut pourtant préciser — et chaque point spécifique que fait apparaître le langage attirera toute notre attention — qu’on n’emploie que rarement en français l’expression « faire une figure ». Dans la langue des skateurs en effet, on a toujours plutôt tendance, d’une part, à utiliser le terme anglais « trick », et, d’autre part, à utiliser sur ce terme et en toute circonstance, le pluriel, même lorsqu’on parle d’une figure au singulier.
Ainsi on dira communément sur les spots et skateparks francophones : « trickser » ou bien « faire un tricks ».
Il faut pourtant préciser — et chaque point spécifique que fait apparaître le langage attirera toute notre attention — qu’on n’emploie que rarement en français l’expression « faire une figure ». Dans la langue des skateurs en effet, on a toujours plutôt tendance, d’une part, à utiliser le terme anglais « trick », et, d’autre part, à utiliser sur ce terme et en toute circonstance, le pluriel, même lorsqu’on parle d’une figure au singulier.
Ainsi on dira communément sur les spots et skateparks francophones : « trickser » ou bien « faire un tricks ».
c.
— figure de la règle d’usage —
Règle 1 :
Il est plus cool — mais aussi plus rigoureux — d’utiliser le terme générique anglais pour parler d’une figure ; en revanche, dire « un trick » sonne mal. 1
1 Voie intérieure de la règle d’usage :
Oui, mais comme « un tricks » est un anglicisme bizarre parce que grammaticalement impropre, il est aussi toujours un peu complexant de l’utiliser comme tel et sans un minimum de second degré – ce qui complique un peu les choses, j’en conviens -, raison pour laquelle on en vient souvent, avec un inévitable effet de distinction, à dire malgré tout « un trick ». Pas facile, mais le problème est connu de tous, alors c’est sans pression.
d.
— figure de la conjonction philosophique —
Or, que nous donne à voir l’équivalence sémantique établie entre les termes « trick » et « figure » ?
Comme souvent dans la superposition de termes relevant de langues différentes, on assiste ici à une assez impressionnante conjonction d’univers notionnels et philosophiques : tandis que le premier terme (trick) accentue la dimension technique de l’objet, ou plutôt de l’opération effectuée par le skateur avec sa planche, le second insiste sur sa dimension « figurative », ou plutôt « figurale », c’est à dire en somme sa dimension esthétique.
Plus qu’une différence d’état d’esprit très général entre deux langues — et néanmoins déjà fortement intéressante culturellement —, on remarquera l’opportunité qui nous est ici offerte de travailler au corps une conjonction conceptuelle forte, cette dernière nous permettant à terme de décrire de manière plus riche et détaillée que selon l’un ou l’autre référentiel, le phénomène socio-esthétique que constitue finalement un tricks — et alors le mot franglais devient le vocable de la synthèse — en skateboard.
Nous serions alors conduits à développer dans le domaine du skateboard, mais aussi bien au-delà, l’idée se posant ici comme première et fondamentale d’une intrication constitutive des dimensions figurales et techniques au sein de toutes les formes sociales de gestualité.
Comme souvent dans la superposition de termes relevant de langues différentes, on assiste ici à une assez impressionnante conjonction d’univers notionnels et philosophiques : tandis que le premier terme (trick) accentue la dimension technique de l’objet, ou plutôt de l’opération effectuée par le skateur avec sa planche, le second insiste sur sa dimension « figurative », ou plutôt « figurale », c’est à dire en somme sa dimension esthétique.
Plus qu’une différence d’état d’esprit très général entre deux langues — et néanmoins déjà fortement intéressante culturellement —, on remarquera l’opportunité qui nous est ici offerte de travailler au corps une conjonction conceptuelle forte, cette dernière nous permettant à terme de décrire de manière plus riche et détaillée que selon l’un ou l’autre référentiel, le phénomène socio-esthétique que constitue finalement un tricks — et alors le mot franglais devient le vocable de la synthèse — en skateboard.
Nous serions alors conduits à développer dans le domaine du skateboard, mais aussi bien au-delà, l’idée se posant ici comme première et fondamentale d’une intrication constitutive des dimensions figurales et techniques au sein de toutes les formes sociales de gestualité.
e.
— figure aphoristique —
« To trick », « faire une figure » : ou comment skater consiste à faire avec sa planche, tout sauf simplement rouler.
f.
— figure de la description technique —
Techniquement bien sûr — et comme toute figure — le flip back se définit sinon simplement, en tout cas de manière très objective.
Avertissement : le nom « flip back » est une abréviation francisante de ce qu’en langue rigoureuse américaine on appelle un « backside 180 kickflip ». On croira peut-être que je veux compliquer les choses en apportant ici cette précision, mais en réalité la description technique s’en trouvera amplement facilitée.
Un backside 180 kickflip est constitué de…
(i) un « flip », c’est à dire une rotation longitudinale (en vrille) de la planche sur un tour, obtenue par un coup net sur le bord extérieur de la planche avec la point du pied (ce qu’on appelle très précisément le « kick », qui donne le mot kickflip dont le mot flip est une abréviation) ;
(ii) associé à une rotation à 180° (la plus élémentaire) de la planche ET du corps dans le même sens latéral ;
(iii) à quoi on ajoute une mention liée à la face (side) que l’on adresse à la trajectoire au moment de la rotation : en l’occurence on effectue la rotation en tournant le dos à la trajectoire, c’est à dire en backside (par opposition aux rotations en frontside, référant aux rotation face à la trajectoire).
Flip Back.
g.
— figure de l’exemple mystique —
Et c’est ici que, passant de la figure selon son principe technique à l’événement co-expériencé de la figure exécutée en situation, nous retrouvons ce qui constitue probablement le flip back le plus brillant de toute l’histoire du skateboard ; presque sans discussion possible cette fois, de l’avis même de ceux qui en haïssent l’auteur — et il y en a — autant que d’autres l’admirent.
Le flip back en question est né de l’histoire à la fois éclatante et douloureuse qui s’est écrite, et continue de s’écrire et de traverser avec de difficiles contradictions, les univers du skate européen (et même spécifiquement français) et États-Unien. C’est Bastien Salabanzi, skateur français né à Dijon en 1985 qui l’affûte depuis bientôt une vingtaine d’année, après avoir été de 2002 à 2006 environ l’icône n°1 du skate de compétition aux USA, en même temps que le fleuron du plus pur style New School alors en expansion au début des années 2000.
Bastien était, et reste encore aujourd’hui — après 5 ans passés presque totalement sous le radar — une star, pour la plupart même une légende. De son come back en 2012 sur la scène américaine on retient chez lui une constance, même une obsession forcenée pour un flip back en acier trempé qui devient manifestement — et malheureusement peut-être, car c’est au détriment de l’exceptionnelle diversité de son répertoire de départ — son quasi unique mantra.
Lyrique, implacable.
Le flip back en question est né de l’histoire à la fois éclatante et douloureuse qui s’est écrite, et continue de s’écrire et de traverser avec de difficiles contradictions, les univers du skate européen (et même spécifiquement français) et États-Unien. C’est Bastien Salabanzi, skateur français né à Dijon en 1985 qui l’affûte depuis bientôt une vingtaine d’année, après avoir été de 2002 à 2006 environ l’icône n°1 du skate de compétition aux USA, en même temps que le fleuron du plus pur style New School alors en expansion au début des années 2000.
Bastien était, et reste encore aujourd’hui — après 5 ans passés presque totalement sous le radar — une star, pour la plupart même une légende. De son come back en 2012 sur la scène américaine on retient chez lui une constance, même une obsession forcenée pour un flip back en acier trempé qui devient manifestement — et malheureusement peut-être, car c’est au détriment de l’exceptionnelle diversité de son répertoire de départ — son quasi unique mantra.
Lyrique, implacable.
h.
— figure de l’argument classique revisité —
Le jugement dont nous sommes parti relève, au fond et je l’admets volontiers, purement et simplement d’un jugement de goût.
Mais si, comme les images et les figures dans langue, les figures du skateboard relèvent bien pleinement d’une logique esthétique, alors c’est en quelque sorte d’elles-mêmes, et suivant leur mode spontané d’apparition pour tout sujet percevant qu’elles se désignent au jugement de goût comme à la dimension première de tout jugement critique à leur endroit. Et nous dirions la même de toute activité humaine, car toutes, comme le skateboard, seraient descriptibles comme des activités productives de forme.
Bien sûr il ne s’agit pas d’argumenter ici sur une quelconque valeur d’ « agrément » de la figure, ou de de je ne sais quelle « délectation » pour la « beauté » du pur geste formel – ce qui serait se cantonner au degré zéro et vraiment sans intérêt de l’esthétique, compris au sens le plus faible du mot. Il s’agit au contraire de donner à voir que toute activité quelle qu’elle soit, avec toute la dimension d’apprentissage technique, compris notamment comme technique du corps et comme technique sociale, met constamment en évidence par les figures qu’elle développe — c’est à dire par son efficacité esthétique — la structure qui la constitue continuellement en tant que forme sociale, avec toutes sortes de résonances politiques.
Mais si, comme les images et les figures dans langue, les figures du skateboard relèvent bien pleinement d’une logique esthétique, alors c’est en quelque sorte d’elles-mêmes, et suivant leur mode spontané d’apparition pour tout sujet percevant qu’elles se désignent au jugement de goût comme à la dimension première de tout jugement critique à leur endroit. Et nous dirions la même de toute activité humaine, car toutes, comme le skateboard, seraient descriptibles comme des activités productives de forme.
Bien sûr il ne s’agit pas d’argumenter ici sur une quelconque valeur d’ « agrément » de la figure, ou de de je ne sais quelle « délectation » pour la « beauté » du pur geste formel – ce qui serait se cantonner au degré zéro et vraiment sans intérêt de l’esthétique, compris au sens le plus faible du mot. Il s’agit au contraire de donner à voir que toute activité quelle qu’elle soit, avec toute la dimension d’apprentissage technique, compris notamment comme technique du corps et comme technique sociale, met constamment en évidence par les figures qu’elle développe — c’est à dire par son efficacité esthétique — la structure qui la constitue continuellement en tant que forme sociale, avec toutes sortes de résonances politiques.
i.
— figure de la détente lyrique —
Ce que le point de vue du jugement de goût esthétique, voulu libre — pour ne pas dire parfois licencieux — et au fond toujours corporel permet mieux qu’autre chose d’exprimer.
j.
— figure du pseudo manifeste conclusif —
Le flip back est donc, vraiment, pour moi, un des tricks, sinon le trick le plus révélateur du style d’un street skateur, toute catégorie confondue.
— Parce qu’il s’agit d’abord d’une des figures les plus classiques du skate street, de celles en tout cas qu’on est amené à tenter rapidement dès la première maîtrise du flip de base. À tenter certes, mais pas nécessairement à maîtriser, même à bon niveau technique, tant la gestion de la rotation et surtout de la réception dos à la trajectoire peut déconcerter. Le cas ne se présente pas pour le « flip front », par comparaison, son pendant en « frontside », tout aussi impressionnant lorsqu’il est bien réalisé mais que malgré tout j’affectionne moins pour ma part. Dans son cas ce sont des difficultés différentes qui apparaissent, qu’une analyse à venir développerait à travers une toute autre mythologie figurale. (Le clivage backside/frontside existe d’ailleurs assez nettement chez les skateurs et pourrait donner lieu à une analyse stylistique dont l’opposition trouverait une analogie dans cette autre, classique en histoire de l’art, entre le dessin et la couleur dans la peinture de la Renaissance italienne.)
— À part cet aspect technique très brièvement évoqué, c’est justement la mythologie du flip back qui non seulement peut plaire, mais surtout constitue une configuration mentale extrêmement attractive à laquelle on est je crois naturellement amené à prendre part lorsqu’on est skateur ; presque malgré soi, et du fait de l’extrême récurrence et force du motif que décrit cette figure dans le skate street new school, notamment porté par des skateurs noirs. Bastien Salabanzi par exemple (plus que toute autre), a frappé avec elle beaucoup d’esprits ; plus exactement, je dirais que le milieu dans lequel il s’est inséré a été impacté à travers lui (en tant que personne) par toute une « forme de vie » skateboardistique dont le flip back constitue à la fin comme une sorte d’emblème. Ethnostylistiquement, cette forme de vie se décrirait très généralement de la façon suivante : (i) en qualité d’outsider français précocement propulsé aux États-Unis (mais très influencé par des skateurs américains des premières heures du New School, comme Lavar Macbride, Marc Johnson, ou Kareem Campbell), Bastien décrit, dans un milieu identitaire et promotionnel très sélectif, une position de marginalité culturelle forte ; (ii) il néanmoins su transformer cette position d’enclave — et ce dans une période s’étendant entre ses 15 et 20 ans — en éclatante suprématie du style, de maîtrise et d’inventivité technique sur tous les terrains du skate street ; (iii) comportementalement, cette trajectoire a l’habitude de s’exprimer par des attitudes en publique pouvant être qualifiées de solaires ou d’excessives, manifestant une égocentricité pleine de gaité mais qu’on sent toujours douloureuse, signe d’une indépassable situation de port-à-faux vis-à-vis des règles du business américain — parmi ses plus estimables collègues, on dira de Bastien qu’il est le « Mohammed Ali of skateboarding » (Paul Rodriguez) ; (iv) l’ensemble de ses aspects est source d’un grand lyrisme dans les récits qui entourent la personne de Bastien Salabanzi, son tempérament et, finalement, tout un style d’existence, dont les effets seraient — c’est ici une de mes hypothèses — en permanence décelables au niveau de la gestuelle skateboardistique elle-même. À ce titre le flip back, comme signature iconique, serait à considérer comme la pointe émergée d’un motif figural plus large et potentiellement coextensible à tous les aspects de la vie. Tel que retracé ici par tout ce qu’il mobilise de façon presque immédiate à ma conscience, le flip back m’est donc donné par la figure englobante résultant de la concaténation d’un geste technique de skateboard pur — le flip back comme trick — et d’un ensemble d’expériences culturelles et sociales aux non négligeables accents politiques. Le flip back — comme d’ailleurs toute figure en skate lorsqu’elle atteint se niveau de limpidité expressive dans la pratique d’un individu ou d’un groupe stylistique — est ici le motif qui en rassemble les implications dans un geste d’expression formel hautement sémiotisé : ce qu’une ethnostylistique du skateboard, comme ici centrée sur la physicalité auto-accessible du geste — par la pratique expérimentalement mise en scène de l’écrivant-skateur— permettrait d’aborder très spécifiquement.
— Enfin, par le plus complet hasard des choses, le flip back est aussi devenu — ce dont atteste directement ces quelques notes et le post qui leur est associé — la figure inaugurale du dialogue de la pratique du skate board avec les sciences sociales d’inspiration artistique et littéraire. Le flip back est en effet la première et à ce jour la seule figure de skateboard filmée par les équipes d’Oscar Roméo. Car j’ai bien pris soin de ne parler dans mon assertion de départ, non pas du niveau d’un skateur exécutant un flip back, mais bien de son style : personnellement, le style de ma pratique du skateboard dans son organisation et ses orientations expérimentales, a été largement influencée par la présence d’Oscar Roméo à l’intérieur de ma démarche skateboardistique. Parce qu’elle me semble désigné l’aspect des pratiques sociales les plus disponibles au changement, la notion de style est donc bien celle que je veux placer au centre d’un discours critique qui ne demande ici qu’à être développé au croisement de la stylistique formelle du skateboard — dont beaucoup d’élément, existant déjà dans la langue et les usages ordinaires, devraient être consignés prochainement — et d’une stylistique plus large reliant les implications socio-techniques, politiques et esthétique de cette activité. La pratique du skateboard pourrait très certainement être abordée dans le cadre de ce que certains appelleraient peut-être une « stylistique de l’existence » ; mais, de mon côté, par le rôle donné ici à la démarche d’enquête et aux interactions multiples auxquelles il est ici donné lieu par l’écriture (y compris d’auto-interaction), j’appelle plus volontiers une « ethnostylistique ». Au cours de ce travail, c’est une pratique différente du skateboard qui pourrait en partie advenir, ainsi que des voies nouvelles de description multimodale de l’activité. Dans ce processus le flip back — avec lequel je n’en aurai pas fini à l’issu de ce premier « run » — joue un rôle initiateur. Il se trouve ici performativement investi d’une dimension d’objet théorique d’ampleur encore indéterminée, de valeur métaphorique et symbolique pour le moment en grande partie inconsciente, et aux implications qu’on ne sait encore prévoir à l’heure où sont écrites ces premières notes de travail et de plaisir partagé.
— À part cet aspect technique très brièvement évoqué, c’est justement la mythologie du flip back qui non seulement peut plaire, mais surtout constitue une configuration mentale extrêmement attractive à laquelle on est je crois naturellement amené à prendre part lorsqu’on est skateur ; presque malgré soi, et du fait de l’extrême récurrence et force du motif que décrit cette figure dans le skate street new school, notamment porté par des skateurs noirs. Bastien Salabanzi par exemple (plus que toute autre), a frappé avec elle beaucoup d’esprits ; plus exactement, je dirais que le milieu dans lequel il s’est inséré a été impacté à travers lui (en tant que personne) par toute une « forme de vie » skateboardistique dont le flip back constitue à la fin comme une sorte d’emblème. Ethnostylistiquement, cette forme de vie se décrirait très généralement de la façon suivante : (i) en qualité d’outsider français précocement propulsé aux États-Unis (mais très influencé par des skateurs américains des premières heures du New School, comme Lavar Macbride, Marc Johnson, ou Kareem Campbell), Bastien décrit, dans un milieu identitaire et promotionnel très sélectif, une position de marginalité culturelle forte ; (ii) il néanmoins su transformer cette position d’enclave — et ce dans une période s’étendant entre ses 15 et 20 ans — en éclatante suprématie du style, de maîtrise et d’inventivité technique sur tous les terrains du skate street ; (iii) comportementalement, cette trajectoire a l’habitude de s’exprimer par des attitudes en publique pouvant être qualifiées de solaires ou d’excessives, manifestant une égocentricité pleine de gaité mais qu’on sent toujours douloureuse, signe d’une indépassable situation de port-à-faux vis-à-vis des règles du business américain — parmi ses plus estimables collègues, on dira de Bastien qu’il est le « Mohammed Ali of skateboarding » (Paul Rodriguez) ; (iv) l’ensemble de ses aspects est source d’un grand lyrisme dans les récits qui entourent la personne de Bastien Salabanzi, son tempérament et, finalement, tout un style d’existence, dont les effets seraient — c’est ici une de mes hypothèses — en permanence décelables au niveau de la gestuelle skateboardistique elle-même. À ce titre le flip back, comme signature iconique, serait à considérer comme la pointe émergée d’un motif figural plus large et potentiellement coextensible à tous les aspects de la vie. Tel que retracé ici par tout ce qu’il mobilise de façon presque immédiate à ma conscience, le flip back m’est donc donné par la figure englobante résultant de la concaténation d’un geste technique de skateboard pur — le flip back comme trick — et d’un ensemble d’expériences culturelles et sociales aux non négligeables accents politiques. Le flip back — comme d’ailleurs toute figure en skate lorsqu’elle atteint se niveau de limpidité expressive dans la pratique d’un individu ou d’un groupe stylistique — est ici le motif qui en rassemble les implications dans un geste d’expression formel hautement sémiotisé : ce qu’une ethnostylistique du skateboard, comme ici centrée sur la physicalité auto-accessible du geste — par la pratique expérimentalement mise en scène de l’écrivant-skateur— permettrait d’aborder très spécifiquement.
— Enfin, par le plus complet hasard des choses, le flip back est aussi devenu — ce dont atteste directement ces quelques notes et le post qui leur est associé — la figure inaugurale du dialogue de la pratique du skate board avec les sciences sociales d’inspiration artistique et littéraire. Le flip back est en effet la première et à ce jour la seule figure de skateboard filmée par les équipes d’Oscar Roméo. Car j’ai bien pris soin de ne parler dans mon assertion de départ, non pas du niveau d’un skateur exécutant un flip back, mais bien de son style : personnellement, le style de ma pratique du skateboard dans son organisation et ses orientations expérimentales, a été largement influencée par la présence d’Oscar Roméo à l’intérieur de ma démarche skateboardistique. Parce qu’elle me semble désigné l’aspect des pratiques sociales les plus disponibles au changement, la notion de style est donc bien celle que je veux placer au centre d’un discours critique qui ne demande ici qu’à être développé au croisement de la stylistique formelle du skateboard — dont beaucoup d’élément, existant déjà dans la langue et les usages ordinaires, devraient être consignés prochainement — et d’une stylistique plus large reliant les implications socio-techniques, politiques et esthétique de cette activité. La pratique du skateboard pourrait très certainement être abordée dans le cadre de ce que certains appelleraient peut-être une « stylistique de l’existence » ; mais, de mon côté, par le rôle donné ici à la démarche d’enquête et aux interactions multiples auxquelles il est ici donné lieu par l’écriture (y compris d’auto-interaction), j’appelle plus volontiers une « ethnostylistique ». Au cours de ce travail, c’est une pratique différente du skateboard qui pourrait en partie advenir, ainsi que des voies nouvelles de description multimodale de l’activité. Dans ce processus le flip back — avec lequel je n’en aurai pas fini à l’issu de ce premier « run » — joue un rôle initiateur. Il se trouve ici performativement investi d’une dimension d’objet théorique d’ampleur encore indéterminée, de valeur métaphorique et symbolique pour le moment en grande partie inconsciente, et aux implications qu’on ne sait encore prévoir à l’heure où sont écrites ces premières notes de travail et de plaisir partagé.