Anthropologie et Art contemporain / Séminaire des Doctorants du CRAL
96 Boulevard Raspail
75006 Paris
France

Séance 5. Anthropologie et Art contemporain
DANIELLA GOMES BIRCHAL DE MOURA
(Paris 1 Panthéon Sorbonne – UFR Arts Plastiques et Sciences de l’Art)
L’identité menstruelle dans l’art contemporain
En réfléchissant sur l’identité organique féminine, cette proposition d’intervention entend discuter la présence du sang menstruel dans certaines créations artistiques contemporaines : Red is the colour d’Ingrid Berthon-Moine, Casting Off My Womb de Casey Jenkins, Seeing Red Project d’Anna Gibson et Johanna Samuelson ; Amen d’Aline P., Isilumo siyaluma de Zanele Muholi et Je ne peux pas m’empêcher de m’écouler et Offrande à Iemanjá de Daniella de Moura. Le sang est une substance symboliquement complexe, qui est à la fois ce qui salit et ce qui nettoie, ce qui rend impur et ce qui purifie. Le sang versé criminellement, ou lors d’un accident ou d’une maladie, représente le danger venu de l’extérieur de l’identité, le Soi menacé par l’Autre, la société menacée par son dehors, la vie par la mort. Le sang menstruel, au contraire, représente le danger venant de l’intérieur de l’identité, il menace le rapport entre les sexes face à la différence sexuelle. Le sang menstruel établit l’identité et la différence sexuelle, symbolisant le conflit permanent de l’interdit sur le corps de la femme. Le sang menstruel induit une substance organique et un état affectif déterminant qui évoque un ordre caché de l’oeuvre, une sorte de secret du corps que les artistes débordent jusqu’à l’épiderme de l’image. Nous verrons comment le corps mis en crise par ses humeurs menstruelles ouvre alors une brèche dans le corps social. Le spectateur est invité à discerner dans sa trame l’expérience esthétique d’un corps singulier vers l’élucidation d’une lecture plus politique, celle d’un corps collectif.
RIME FETNAN
(Bordeaux Montaigne – Laboratoire Médiation, Information, Communication, Arts)
Représenter l’Autre : usages des images anthropologiques dans les catalogues des expositions internationales d’art contemporain
La relation entre art et anthropologie est depuis longtemps adossée à l’histoire de la discipline et s’incarne d’abord dans les musées d’ethnographie, premiers témoignages de l’intérêt que porte l’Occident pour l’Autre. Ces musées traversent une crise lorsque, dans les années 1980, certains chercheurs issus des cultural studies critiquent d’une part, la spoliation et la decontextualisation des objets et artefacts, d’autre part leur statut, figé dans un « présent ethnologique» (Clifford, 1988), rendant impossible leur accès à la modernité. Cette période est également marquée par les premières incursions de l’ethnographie dans les expositions d’art contemporain, témoignant d’une tendance nouvelle, celle d’élever les objets et images au rang d’oeuvres d’art. Malgré les critiques, Jean-Hubert Martin insuffle au monde de l’art contemporain une démarche nouvelle, celle de vouloir placer l’art occidental et extra-occidental sur la même échelle de valeur. Dès lors, de nombreuses expositions d’art contemporain ont porté un regard anthropologique sur la création artistique internationale, en articulant oeuvres d’art et images ethnographiques, alimentant leur discours sur la mondialisation de l’art et l’altérité des textes anthropologiques fondateurs. Dans le but de faire émerger le contenu de telles représentations, cette communication mettra en exergue les différents usages des images anthropologiques au sein de trois expositions internationales d’art contemporain (Magiciens de la Terre, 1989, Partage d’exotisme, 2000, et Intense Proximité, 2012). Notre étude portera spécifiquement sur les catalogues, dispositifs complexes, à la fois traces et incarnations des expositions, constituant le « matériel d’une histoire et d’une science de l’art » (Marin, 1975). Enfin, nous tenterons de faire émerger les imaginaires véhiculés au sein de ces expositions.
Répondant – Discussant : PATRICIA FALGUIÈRES (EHESS – CESPRA)